Sopheap, 25 ans, étudiant au centre Mérieux (Interview de janvier 2015) "Mes premiers souvenirs remontent à 1993, alors que j'avais 4 ou 5 ans. Le Cambodge venait de sortir de la guerre civile. La guerre avait tout détruit ! Je suis né dans le village de Prey Vèng, deux semaines à peine après le retour de ma famille du camp "Site B", où elle avait été évacuée. J’ai quatre frères et quatre sœurs. Moi, je suis le sixième. Mes frères et sœurs ont tous abandonné l'école. Personne n’a pu aller plus loin que le grade 7 (5ème). Sauf moi. Voici pourquoi, voici mon histoire. J'ai rapidement quitté ma famille. Ma mère avait attrapé la fièvre. Un soir, mon père, complètement ivre, l’a frappée jusqu’au coma. Alors que je le suppliai d'arrêter, il me lança violemment contre un pieu. Je n'ai survécu que grâce à l'intervention de mes oncles et tantes , alertés par le bruit. Dès le lendemain, je partis vivre avec eux. Mes espoirs de pouvoir enfin étudier furent rapidement déçus. Tous les jours, avec un petit paquet de riz, je devais aller dans la forêt pour garder les buffles, alors que les autres enfants, dans leurs beaux uniformes, allaient à l’école. Je mourrai d'envie de faire comme eux. Deux années s'écoulèrent. Un soir, je demandai à ma cousine, dont le mari est professeur, si elle pouvait me montrer des livres d'école. Et tous les soirs, à la lueur d'une bougie, j'apprenais seul à lire et à écrire. Voyant ma persévérance, ma cousine accepta de m'inscrire à l'école. Je rentrai en grade 2 (CE1) à 12 ans. Je faisais deux fois la taille des autres élèves, j'avais honte de mon retard. Travaillant dur, je sautai facilement des classes. En grade 7 (5e), j’ai commencé à apprendre l’anglais deux heures par jour, soient 600 riels (15 centimes). Mais après trois mois, ma famille n'avait plus de quoi payer les cours...Nous n’avions plus de riz, de sel, de sucre pour manger ni d’huile pour allumer les lampes de la maison ! Je me posais la question : pourquoi apprendre? Qu’est-ce que cela apporte à ma famille ? Un homme de mon village me proposa alors de partir avec lui et quelques autres en Thaïlande, ou l'argent était facile, me disait-il. Je décidai d’aller avec eux. J’avais alors 17 ans. Avant mon départ, ma mère me demanda une dernière fois si j'étais sûr de ma décision. Je lui ai répondu que c'était là le seul moyen de sauver la famille. Alors, elle a sorti de sa poche 100 mille riels, (25$) qu'elle me donna. "Maintenant, je n'ai vraiment plus rien", me dit-elle. Et, montant dans le camion qui me séparai d'elle, je fondis en larme. A peine étions nous arrivés en Thaïlande que notre camion fut arrêté par des policiers, qui confisquèrent tout notre argent et tous nos biens. Sans rien d'autre que nos vêtements, nous avons erré de village en village, dormant n'importe où, et volant quelques fruits dans les jardins pour survivre. Après une semaine de vagabondage, nous arrivâmes à une sucrerie où, d’après le chef du groupe, nous devions travailler ! Si nous étions heureux de pouvoir enfin travailler, nous avons vite déchanté ! Nos journées de travail commençaient à 14h et finissaient à 6h du matin ! Nous étions payés une misère, j’étais épuisé, j’avais très faim. Un mois après, j’ai trouvé un nouveau travail. C’était une scierie. Le salaire augmentait, mais le risque aussi. Je maniais une énorme scie mécanique. Les accidents étaient fréquents. Puis, je travaillai dans une usine alimentaire, où le patron nous traitait comme des esclaves ; contraints de travailler jour et nuit, ceux qui pensaient à s’enfuir étaient menacés de mort. Je ne pus m'en sortir que grâce à un couple de Khmers vivant en Thaïlande. Découvrant ma situation, ils acceptèrent de m'aider. Ils m'aidèrent à trouver un nouveau travail, où je pus enfin toucher un salaire décent. Un jour, je demandai un congé pour retourner voir ma famille au Cambodge. Ma mère fondit en larme en me voyant arriver. Tout le monde me croyait mort, je n'avais pas donné de nouvelles depuis plus d'un an ! Je décidai alors de reprendre mes études, et de ne pas retourner en Thaïlande. Mais une fois de plus, l'argent commençait à manquer. Un ami du collège, Sopha, me conseilla de contacter l'association Enfants du Mékong. Je m'inscrivis au concours, que je passai avec succès, et un parrain me fut attribué, grâce à qui je pus continuer mes études. Tout avait changé ! Je vis maintenant au foyer d'étudiants de Phnom Penh, tenu par Enfants du Mékong. Grace au parrainage, je suis en 3ème année d'université. Dans un an, je serai professeur de mathématiques. Une nouvelle vie commencera alors pour moi, où, à mon tour, je pourrai aider ceux qui en ont besoin."
De 7 à 77 ans, Enfants du Mékong a changé et change des vies ! Voici trois témoignages de personnes aidées à des âges différents !
2 Commentaires
Aurélien guiet
2/13/2015 07:37:31 pm
Témoignage magnifique !
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Félicia de Meaux
2/25/2015 12:50:28 pm
Merci pour ce témoignage qui nous aide à nous rendre compte combien notre aide peut-être utile et combien nous sommes gâtés...
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Octobre 2017
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