Traverser le nord du Laos en tandem, en dormant chez l'habitant, ça veut dire vaincre les montagnes et les routes pourries, surmonter des ennuis techniques, apprendre à parler khamu, faire l'offrande du matin avec les moines, retrouver des restes de la guerre du Vietnam... et bien d'autres péripéties ! Découvrez cette aventure en vidéo ! Et il y a aussi du nouveau dans les autres rubriques : du carnet de voyage, des photos, et même de nouveaux défis relevés !
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"Tant qu'il y a des freins, il y a de l'espoir !" C'est notre leitmotiv depuis un bon mois. Lundi 30 mars. Nous sommes en pleine montagne, perdus au milieu du Laos, et nous n'avons plus de freins. Ni à l'avant, ni à l'arrière. Depuis plus d'un mois, nos freins font un bruit bizarre. L'autopsie est sans appel : les patins sont usés, et accusent le coup après plusieurs milliers de kilomètres et un bon nombre de descentes. En théorie, ce n'est pas un problème : changer des patins n'est qu'une formalité, même pour les deux cancres du bricolage que nous sommes. Mais au moment de passer à l'acte, tout se complique ! Ironie du sort, les patins de rechange que nous trimbalions assidûment depuis 6000Km ne rentrent pas : ce n'est pas le bon modèle ! Nous tentons alors d'en trouver sur place: Udon Thani, Sukkothai, Chiang Mai, Chiang Rai, les grandes villes se suivent, mais les magasins de vélo se ressemblent, et leur réponse est partout la même : nous n'avons pas ce modèle ! Quelle étrange idée ont eu les fabricants de tous faire des modèles différents, incompatibles entre eux ? Pour les néophytes, un patin de frein, c'est cela. C'est moche, ça ne brille même pas, ça ne joue pas de violon et ça ne se mange pas, alors ça peut paraître inutile. Mais plus les pentes sont raides et plus nous constatons que ça ne l'est pas ! Car pour arrêter un tandem de 160Kg lancé à vive allure dans des pentes à parfois plus de 25% (oui oui !), il faut de bons patins... Il y a 3 semaines, alors que nous nous apprêtions à traverser notre seconde chaine de montagne, un réparateur nous propose d'inverser les patins : le patin arrière, le plus usé, va à l'avant, et vice et versa. C'est astucieux, car nous freinons principalement du frein arrière, plus puissant et plus sûr. Une bonne idée, jusqu'à ce fameux lundi 30 mars, où le frein arrière commence de nouveau à montrer des signes de faiblesse. Nous sommes au nord du Laos, l'une des régions les moins peuplées d'Asie du Sud-Est. Voilà deux jours que nous grimpons, et sommes enfin arrivés au col le plus élevé. Le paysage est grandiose : de la montagne à perte de vue, et aucun signe d'habitation, à part quelques petits villages kamus perchés sur les crêtes. Mais au beau milieu de la descente, un bruit vraiment alarmant se fait entendre. Nous stoppons net, et il était temps : le patin a complètement explosé : était-il mal remis ? Est-ce la chaleur, la pente ? Peu importe. Nous n'avons plus de frein, ni à l'avant ni à l'arrière, et sommes à plus de 30Km de toute route carrossable. C'est bête, après deux jours de montée, nous espérions enfin pouvoir profiter de la descente... Celle-ci s'avèrera un vrai calvaire ! Caroline, à l'arrière, retient le tandem avec une étoffe qu'elle passe autour de sa taille, tandis que Xavier, à l'avant, dirige la bête en retenant de toutes ses forces, le tout sous un soleil de plomb. Après plusieurs kilomètres d'une épuisante descente aux enfers, un inespéré pick-up vient abréger nos souffrances. C'est donc motorisés que nous nous rendons à Luang Prabang, la principale ville du nord du Laos. NB : Nous referons cette route en sens inverse à vélo pour nous rendre au Vietnam, donc non, nous n'avons pas triché !! A Luang Prabang, nos espoirs de trouver la pièce manquante sont nuls. Nous étudions les possibilités d'envoi depuis la France : 3 semaines en moyenne, 2 en payant des fortunes... comment allons-nous rattraper ce retard ? C'est un mal pour un bien, car nous sommes ravis de pouvoir prendre quelques jours de repos, mais pestons à l'idée de ces précieuses semaines qu'il nous faudra rattraper... c'est compter sans l'ingéniosité des Laotiens ! Là où nous pensions "comment et où trouver la bonne pièce ?", un laotien a posé la bonne question, la seule qui compte vraiment, à savoir : "comment réparer les freins ?" Et c'est ainsi qu'un mécanicien de génie nous a créé deux sets de patins tout neufs à partir de ceux que nous avions en stock (mais qui ne rentraient pas, si vous avez suivi !) 5 heures de travail plus tard, le test est concluant : les freins fonctionnent comme au premier jour ! Nous remercions chaleureusement notre sauveur, et remontons en selle. Le Vietnam n'a qu'à bien se tenir. Lundi, nous reprenons la route !! Il est 17h. Nous finissons une grosse journée de montagne, qui conclut notre traversée de la Thaïlande d'ouest en est. A quelques kilomètres se dessine la frontière Birmane. Nous savons qu'il nous reste au moins une dizaine de kilomètres à parcourir avant le prochain village, où nous comptons passer la nuit. Mais soudain, à travers l'étroit bosquet de bambous qui borde la route, nous apercevons des habitations. La ville, car c'en est une, est magnifique. Une multitude de maisons en bois défient la gravité, leurs pilotis ne reposant que sur des pentes abruptes. Les toits, se dessinent sur la montagne. Ici, pas de tôle ondulée, tous les toits sont faits de larges feuilles sêchées. Quelques habitants déambulent au milieu des petites ruelles. Nous reconnaissons des birmans au tanaka sur leur visage, cette pâte jaune servant à la fois de crème hydratante et de protection solaire. L'endroit est magnifique ! C'est magnifique, mais quelque chose ne va pas. Pourquoi ces airs gênés ? Pourquoi ces barbelés ? Une malaise s'installe alors, face à cette ville n'apparaissant sur aucune carte. Nous tentons de nous rassurer : l'entrée doit être un peu plus loin. Effectivement, quelques dizaines de mètres plus loin, une entrée. Devant la porte, se tiennent des militaires ! Nous nous approchons, commençons à entrer. Nous n'avons pas fait 10 mètres que déjà les militaires nous arrêtent. Nous ne le savons pas encore, mais nous venons de pénétrer dans Mae La Camp, le plus grand camp de réfugié karens de Thaïlande. Entre 40 et 50 mille réfugiés karens vivent ici. Les entrées comme les sorties sont sous contrôle militaire. Pour nous un camp de réfugiés était un campement temporaire, une zone de paix, d'aide à une population. Mae La Camp ressemble plutôt à une immense prison à ciel ouvert, et le temporaire l'est depuis plus de 30 ans. Nous continuons notre route, le village nous semble à présent beaucoup moins joli.Une famille nous interpelle pour regarder notre vélo. Quelques sourires sont échangés à travers les barbelés. Mais un policier nous rappelle à l'ordre. Ne leur parlez pas. C'est dangereux ici, allez-vous en ! Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils ici ? Quels drames ont poussés ces femmes, ces enfants à venir vivre ici ? Le soir, sous notre moustiquaire, nous ne pouvons nous empêcher d'aller faire des recherches. Les karens sont une minorité ethnique, vivant de part et d'autre de la frontière thaïlandaise et Birmane. Au XIXeme siècle la Birmanie devient colonie anglaise. La colonisation profite aux karens, qui bénéficient d'un traitement de faveur de la part de l'empire britannique. En 1942, en pleine seconde Guerre Mondiale, les Japonais envahissent la Birmanie. Alors que la BIA (Armée pour l'Indépendance Birmane) voit dans cette invasion un moyen d'obtenir l'indépendance, les karens se rangent au côté des britanniques pour combattre les japonais et les birmans. On comprend alors, après l'indépendance du pays en 1948, la haine des birmans vis-à-vis des karens, haine qui va rapidement tourner au génocide suite à la prise de pouvoir d'un régime militaire. Aujourd'hui, la KNU (Union Nationale Karen) tente tant bien que mal de protéger les quelques territoires karens de Birmanie. A chaque nouveau raid de l'armée birmane, des centaines de civils karens sont déplacés. Ils tentent de trouver refuge dans la jungle pour échapper au pillage, aux viols et aux violences gratuites des militaires birmans. Les plus chanceux d'entre eux parviennent à franchir la frontière et à rejoindre l'un des camp de réfugiés. Quel avenir pour ces réfugiés ? Les années passent, et le risque est grand de faire de ces personnes des prisonniers de leur situation d'assistés. Comme au temps de sa création, Enfants du Mékong agit dans les camps de réfugiés, et fait un pari audacieux : c'est l'éducation qui permettra à ces populations de se forger un avenir meilleur. Sur une école du camp, il est écrit "Pour changer de monde, l'éducation est l'arme la plus puissante." C'est l'école qui permettra à ces enfants, dont même les parents sont nés dans ces camps, de retrouver une place honorable dans la société, quand la situation politique se sera améliorée, quand les forces au pouvoir cesseront de les balader comme des marionnettes. Enfants du Mékong agit également dans les villages karens voisins. Le lendemain, nous rencontrons Phasin, dans le petit village karen de Poblaki, où sa famille vit depuis des générations. Phasin n'est donc pas réfugié. Il a la nationalité thaï, bien qu'il revendique son appartenance au peuple karen, avec sa langue et sa culture. La famille de Phasin est pauvre, mais vit dans un village qui respire le grand air, sans barbelé, au milieu des montagnes et des rizières. Nous découvrons alors les karens sous un angle différent. Pour eux, l'accueil de l'étranger est au centre de la culture. Un simple tour dans le village de Poblaki, et nous sommes déjà invités par 5 familles différentes. Un café, un soda, un repas : en plus de nous inviter chez eux, ils insistent pour nous offrir quelque chose ! Comment ces gens qui n'ont rien sont-ils si généreux ? -C'est notre tradition, nous explique un jeune couple, après nous avoir offert un sac en tissu et une jupe pour Caroline. Nous le faisons par plaisir, tout simplement. Nous sommes vraiment heureux de vous recevoir. Les karens, peuple aux multiples facettes, connaîtront-ils un avenir aussi généreux ? Trouveront-ils un jour, pour les accueillir une terre aussi hospitalière que l'est leur tradition ? Traverser le nord de la Thaïlande en tandem, c'est affronter les montagnes, ses routes difficiles et épuisantes. Mais c'est aussi partir à la rencontre de minorités ethniques et sortir des sentiers battus... Il y a aussi, des nouvelles rencontres de filleuls (dont Phasin, petit garçon Karen), des nouvelles questions du jour, de nouvelles photos, des nouvelles actions dans les écoles et une nouvelle fiche pédagogique ! Alors foncez voir aussi les autres nouvelles catégories !
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Octobre 2017
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